L'environnement des végétaux

C'est l'ensemble des facteurs externes qui influencent le développement de la plante.

  • Facteurs climatiques : températures, lumière, précipitations, hygromètrie...
  • Facteurs édaphiques : pH, humus, teneur en eau du sol.
  • Facteurs biotiques : concurence, parasitisme, excrétion par les racines de substances inhibant la germination d'autres espèces. Sous des landes à rhododendron, la régènération forestière s'effectue difficilement (Photo 3).

 Lande à Rhodendron ferrugineuxLande à Rhodendron ferrugineux
Photo 3

En montagne, l'altitude est déterminante car elle modifie, à la fois, des facteurs importants: le climat, les sols et les radiations.

Les végétaux, fixés toute leur vie dans un même site, dépendent plus de leur environnement que les animaux qui peuvent se déplacer vers des milieux favorables.

Les besoins environnementaux

Les fonctions physiologiques d'une plante ne s'effectuent pas que dans un créneau environnemental souvent assez étroit. Par exemple, chez le chêne pubescent, l'assimilation chlorophylienne débute à 6°, atteint son optimum vers 25° puis décroît rapidement. L'optimum varie suivant les espèces ce qui explique la zonation de la végétation. Le tableau I indique les optimums altitudinaux de quelques espèces arborées, les températures jouant un rôle essentiel. Cependant, si certaines espèces restent localisées entre des limites altitudinales assez étroites (pin cembro, chêne pubescent), d'autres ont une plus grande amplitude de part et d'autres de l'optimum (épicéa).

Tableau I - Résistance au froid et optimum altitudinal de quelques espèces arborées.
Faibles gelées
hivernales
------->--------->---------->--------->----------->----------->------------->------------> Hivers très froids
Chêne pubescent Chêne sessile Charme Hêtre Sapin Epicéa Mélèze Pin cembro
Etages : Collinéen >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Montagnard >>>>>>>>>>>>>>>>>>> Subalpin
Altitudes :
en m
200..........................................900.................................1600................................. 2200

L'amplitude écologique

Elle caractérise la possibilité, pour une espèce, de coloniser des milieux diversifiés: par exemple, des stations ensoleillées et sombrées, diverses zones altitudinales.

Espèces à faible amplitude

Adaptées souvent à des stations très spécialisées, elles ne peuvent pas coloniser d'autres milieux. Par exemple, dans l'étage subalpin :

  • Primevère auricule (Primula auricula – Primulacées - Photo 4) agrippée aux rocailles calcaires.
  • Linaigrette de Scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri - Cypéracées- Photo 5) des marécages.

Primevère auricule Primevère auricule
Photo 4
 Linaigrette de ScheuchzeLinaigrette de Scheuchze
Photo 5

Espèces à grande amplitude

Elles peuvent se développer dans des environnements variables en différenciant parfois des accomodats spectaculaires que nous allons étudier.

Méthodes d'étude des accommodations

 Observations de terrain

Rechercher des plantes
De la même espèce mais poussant dans des situations écologique très contrastées par exemple à diverses altitudes pour déceler l’apparition de modifications anatomiques et morphologiques. Cependant il faut s’assurer que les plantes d’altitude et de plaine appartiennent à la même espèce : pour cela on récolte les graines d’altitude pour les faire germer dans une station planitiaire ; si elles donnent des plantes semblables à celles des basses régions, ce sont des accommodats. Dans le cas contraire, il s’agirait d’espèces différentes.
Comparer
Sur un même individu, des organes développés dans des milieux différents : feuilles éclairées ou ombrées ; feuilles immergées ou aériennes.

Expérimentation

Elles s’effectue sur des plantes mono-spécifiques issues soit de multiplication végétative (éclatement de souche, bouturage), soit d’une longue série de cultures par graines permettant de vérifier la constance du phénotype.

Dans la nature

Des plantes sont semées à diverses altitudes et on observera les variations du phénotype, au bout d’une ou de plusieurs années.

  • Leucanthemum vulgare - Astéracées ( Fig .2).
  • Taraxacum officinale - Astéracées (Fig 3).
  • Achillea millefolium – Astéracées (Rappel Fig.1).

 Leucanthemum Vulgare Leucanthemum Vulgare
Figure 2
 Taraxacum OfficinaleTaraxacum Officinale
Figure 3
 Achillea MillefoliumAchillea Millefolium
Rappel figure 1

En laboratoire

Les plantes sont cultivées dans des enceintes où les facteurs de milieu  sont programmés : températures, humidité, éclairement, niveau de l’eau pour les plantes aquatiques. Les appareillages plus perfectionnés étant les phytotrons. Ils permettent d’étudier l’action individuelle de chaque facteur (exemple la température seule variante, les autres restant constants), sur la morphologie, l’anatomique et la physiologie : photosynthèse, respiration, synthèses de diverses substances comme glucides et anthocyanes.

Quelques résultats expérimentaux.

Variations de l’intensité lumineuse

Sur la sauge des bois (Teucrium scorodonia - Labiacées)

Herbacée, fréquente du collinéen au montagnard, dans les clairière à sols un peu acides. Elle est cultivée, simultanément, en lumière solaire directe et sous des éclairements décroissants (Fig. 4). La lumière intense diminue la hauteur des tiges, épaissit les limbes foliaires en développant le parenchyme palissadique chlorophyllien, recouvre les cellules épidermiques d’une cuticule épaisse (Fig. 5), accroît le nombre de stomates et différencie, dans les nervures, des tissus conducteurs (bois et liber) et de soutien (fibres).

 Teucrium ScorodoniaTeucrium Scorodonia
Figrue 4
 Teucrium Scorodonia-Modification du parenchymeTeucrium Scorodonia-Modification du parenchyme
Figrue 5

 

Cette dernière accommodation est fréquente chez d’autres espèces (Fig. 6).

Ligastrum Vulgare Ligastrum Vulgare
Figure 6

 

Sur la capucine (Trapaeolum majus - Tropéolacées)

Eclairée intensément, elle épanouit des fleurs grandes et pigmentées (Fig. 7).

Topaeolum Majus - Fleur Topaeolum Majus - Fleur
Figure 7

Variations du degré hygrométrique

Sur l’épine vinette (Berberis vulgaris - Berbéridacées)

Arbuste épineux de stations sèches. Les rameaux anciens portent, sur leurs noeuds, des feuilles-épines à 3 branches et un court rameau feuillé florifère. (Photo 6 et Fig. 8). En atmosphère humide, les feuilles en épines se transforment en feuilles normales (Fig. 9).
Epine vinette Epine vinette
Photo 6
 Berberis Vulgaris Berberis Vulgaris
Figure 8
 BerberisVulgaris - FeuillesBerberisVulgaris - Feuilles
Figure 9

Sur l’ajonc (Ulex europaeus - Fabacées)

Ajonc d'Europe Ajonc d'Europe
Photo 7
 Ulex EuropaeusUlex Europaeus
Figure 10
Sous-arbuste constituant des landes atlantiques quasi impénétrables. Les rameaux secondaires et tertiaires, très courts, lignifiés et épineux à leur extrémité, ont des feuilles étroites et piquantes (Photo 7). En atmosphère humide, les rameaux s’allongent, perdent leurs épines et portent des feuilles développées (Fig. 10). La sécheresse de l’air induit la formation d’épines, augmente la rigidité de la plante (lignification précoce et intense), épaissit parenchyme palissadique, cuticules foliaires et développe les tissus conducteurs dans les nervures.

Ces accommodations rappellent celles provoquées par une lumière intense. Or ces deux facteurs augmentent la pression osmotique des cellules par des mécanismes différents : la lumière, en intensifiant la photosynthèse, accroît la concentration en sucres ; la sécheresse, en activant la transpiration, augmente aussi la concentration cellulaire. Des températures élevées ont les mêmes effets sur la pression osmotique d’où la fréquence des plantes épineuses à feuilles réduites dans les régions chaudes.

 
 
 


Accommodations aux milieux aquatiques

Certaines espèces semi-aquatiques différencient des feuilles différentes au sein de l’eau, en surface, ou dans l’air. (Fig.11).

La sagittaire (Sagittaria sagittifolia - Alismatacées)

Une sagittaire, entièrement dans l’air, ne forme que des feuilles lancéolée. (Fig. 11 et12) et, totalement, immergée, que des feuilles rubanées.
Sagittaria SagittifoliSagittaria Sagittifoli
Figure 11
Sagittaria SagittifoliSagittaria Sagittifoli
Figure 12

Le mouron d’eau (Veronica anagallis - Scrofulariacées)

Veronica AnagallisVeronica Anagallis
Figure 13
 Veronica Anagallis - Epiderme Veronica Anagallis - Epiderme
Figure 14

Il est fréquent sur des sols très humides ou faiblement inondés. On le cultive, d’une part, à la surface du sol et, d’autre part, sous l’eau. Sous l’eau, limbe et nervures développent des parenchyme lacuneux (Fig. 13 et 14).

Observations de terrain

Actions morphologiques de la lumière

Sur les germes des tubercules de pomme de terre (Solanum tuberosum - Solanacées)

 Solanum TuberosumSolanum Tuberosum
Figure 15

 

 

Dans la pénombre, se développe une tige étiolée, blanchâtre, fine et longue ; à la lumière, naît une pousse trapue, verte, qui développe rapidement des feuilles chlorophylliennes (Fig. 15).

 

 

 

 

 

 

 

Sur les tiges de lamier galéobdolon (Lamium galeobdolon - Labiacées)

Espèce fréquente dans les forêts et les clairières montagnardes à sols riches. Dans un sous-bois ombré, s’allongent des tiges végétatives rampantes (Photo 8) ; en lumière atténuée (clairières, lisières), se dressent des tiges florifères (Photo 9).

Lamier galeobdolon; tige d'ombreLamier galeobdolon, tige d'ombre

Photo 8
Lamier galeobdolon; tige de lumière florifèreLamier galeobdolon; tige de lumière florifère
Photo 9

Sur les feuilles du hêtre (Fagus sylvatica - Fagacées)

Chez les feuilles ombrées, le limbe mince contient des nervures avec des tissus conducteurs peu différenciés ; c’est l’inverse pour les feuilles bien éclairées qui développent un tissu palissadique épais et très chlorophyllien (Fig. 16).

 Fagus SylvaticaFagus Sylvatica
Figure 16

Attaques parasitaires

Chez l’euphorbe petit cyprès (Euphorbia cyparissias - Euphorbiacées)

Fréquente dans les pelouses collinéennes et montagnardes (Photo 10), elle est souvent parasitée par un champignon (Uromyces pisii), qui la déforme et la rend stérile. (Photo11). Mais le parasitisme tue parfois la plante : épicéas bostrychés (Photo 12).

Euphorbe petit cyprès Euphorbe petit cyprès
Photo 10
  Euphorbe petit cyprès parasitéeEuphorbe petit cyprès parasitée
Photo 11
Epicéa bostrycheEpicéa bostryche
Photo 12

Actions de l’altitude

L’altitude fait varier, simultanément, températures, radiations lumineuses, précipitations et sols aussi elle engendre de nombreuses accommodations.

Diminution de la taille des parties aériennes

Nous avons signalé les formes naines chez l’achillée mille feuille (Achillea millefolium- Astéracées) et la marguerite (Leucanthemum vulgare- Astéracées), (Fig. 1 et 2). Ce nanisme qui rend la plante moins sensible aux stress (vent, froid) résulterait d’un ralentissement de l’activité des cellules méristématiques provoqué par l’alternance de nuits froides et de journées plus chaudes. Les feuilles, plus épaisses, contiennent un parenchyme palissadique très développé ; leur épiderme cutinisé et poilu freine la transpiration qui s’intensifie en l’altitude.

Achillea Millefolium Achillea Millefolium
Figure 1
Leucanthemum VulgareLeucanthemum Vulgare
Figure 2

Coloration plus intense des fleurs

Le sainfoin ( Onobrychis – Fabacées) épanouit des fleurs roses pâle en plaine et rouges vif en montagne où sa taille diminue. L’intensification du rayonnement I.R. serait déterminante. Mais, pour des floristes, ce sont deux espèces distinctes : Onobrychis viciifolia en plaine, O. montana en altitude. Il est difficile de différencier, sans vérification, un accommodat d’une espèce voisine.

Actions simultanées de facteurs

(Altitude, enneigement, vent, concurrence). Elles marquent parfois spectaculairement l’architecture aérienne de certaines espèces arborées. Un chapitre spécial est consacré aux accommodations chez l’épicéa et le hêtre.