Les facteurs du milieu

Températures et précipitations jouent un rôle déterminant. Les valeurs estivales sont les plus significatives car elles correspondent à la période végétative, en altitude.

Températures

Zonation altitudinale

La température moyenne annuelle de l’air diminue de 0,5° par 100m de dénivelé, «gradient thermique » qui varie avec les saisons. Fig. 6.
Gradient thermique a ChamonixGradient thermique a Chamonix
Figure 6

Conséquence:

En altitude, les hivers longs, les étés courts et sans chaleur, éliminent les espèces mal adaptées.

Une exception : les inversions de températures.

Elles apparaissent, en hiver, par temps froid et calme, dans des vallées encaissées. En altitude le rayonnement nocturne refroidit l’air qui devient plus dense et glisse au fond de la vallée en formant un lac d’air froid épais de plusieurs centaines de mètres. L’humidité atmosphérique s’y condense en brouillard givrant dont la surface forme une mer de nuages. Au cours des journées ensoleillées, la température, au-dessus de la mer de nuages, reste supérieure à celle prévue par le gradient thermique.

Ce phénomène est fréquent dans la vallées de l’Arve, le bassin lémanique et la cluse d’Annecy. Photo 15.

Mer de nuage a Annecy Mer de nuage a Annecy
Photo 15
Contraste adret/ubacContraste adret/ubac
Photo 16

Influences de l’orientation

L’apport d’énergie solaire est maximum, dans nos régions, sur des pentes d’adret inclinées de 23° sur l’horizontale. La neige y fond vite, les étés ensoleillés et chauds favorisent l’habitat et les cultures. Par contre, les ubacs ombrés en hiver et ne recevant, en été, que des rayons solaires obliques, sont neigeux et humides. Les contrastes adrets-ubacs sont parfois spectaculaires. Photo16.

Ecrans topographiques

Dans certaines vallées étroites, le soleil se lève tard et se couche tôt ce qui entraine un microclimat plus froid en hiver (vallée des Contamines).

Facteurs thermiques déterminants pour la végétation

 Température du sol à –10cm

Le départ printanier de la végétation herbacée débute lorsque la température, au niveau des racines, dépasse +5°. Cette date est liée, en montagne à la fonte de la neige. Figure 7.

Temperature du sol a -10cm Temperature du sol a -10cm
Figure 7

Températures moyennes estivales

Une carte d’isothermes, établie pour les principales vallées des Alpes nord occidentales, montre de forts contrastes. Fig 8

 Isothermes estivaux Isothermes estivaux
Figure 8

- Températures élévées (supérieures à 18°) dans les basses régions : Vallée du Rhône thermophile jusqu’à Genève et encore chaude jusqu’à Sion, Val d’Aoste, Cluse de l’Arve.

- Faîcheur dans les vallées montagnades (T< 12° à Chamonix et en Hte Tarentaise).

Durée des périodes de gelées

En altitude, les gelées finissent tard au printemps, commencent tôt en automne ce qui réduit la période végétative. Tableau II.

Tableau II : période de gelées
Station Altitude Début gel simple Début gel continu Fin gel continu Fin gel simple Nbre jours gel simple Nbre de jours gel continu bre de jours T< -10 dégres Nbre de jours T< -5 dégres
Thônes 625 m 24 Oct. 12 Déc. 17 Fév. 28 Avr. 121 18 15 126
Samoens 700 m 20 Oct. 14 Déc. 6 Fév. 2 Mai 142 18 18 133
La Clusaz 1500 m 13 Oct. 24 Nov. 3 Mar. 11 Mai 136 27 18 182
Mégève 1100 m 13 Oct. 23 Nov. 6 Mar. 12 Mai 147 37 28 157
Chamonix 1037 m 8 Oct. 25 Nov. 27 Fév. 14 Mai 160 44 38 151
Le Tour 1431 m 6 Oct. 15 Nov. 6 Mai. 21 Mai 155 51 27 180
Les Contamines 1170 m 6 Oct. 22 Nov. 3 Mai. 17 Mai 154 158

Précipitations

Apportées fréqemment par des flux océaniques de Nord-Ouest, elles sont modulées par l’altitude et la situation géographique.

Croissance altitudinale

Elle est rapide sur les massifs fouettés directement par les vents humides : 2m annuellement dans les Bornes-Aravis, à I 400m d’altitude ; 2,50m au Ruan (2000m), peut-être 3m sur le massif du Mt-Blanc à 3000 m. Une incertitude : les pluviomètres recueillent mal les précipitations en altitude, à cause des vents.

Le gradient ombrique varie suivant les régions, contrairement au gradient thermique.

Répartitions régionales

Une carte d’hisoyètes estivales montre l’opposition entre les zones externes très arrosées et les zones internes sèches. Fig 9.
Précipitations estivales Précipitations estivales
Figure 9

Phénomène d’abri (Föhn)

Les flux humides qui heurtent les premières chaines de montagnes s’élèvent, se refroidissent et donnent de fortes précipitations sur les pentes « face au vent » et même dans les zones de «pieds de monts ». Par contre, sur le flanc opposé, les flux s’abaissent, se réchauffent, les précipitations diminuent, le potentiel énergétique de l’atmosphère s’accroît et engendre un vent tiède: le föhn. La répétition de ce phénomène, sur des lignes de crêtes successives, provoque une sécheresse des vallées internes (Tableau III et Fig 10).

Tableau III : Caractéristiques climatiques vers 1000m d'altitude
Régions
Stations
Précipitations moyennes Températures moyennes Nbre de jours
de gel simple
Indice de Gams
annuelles estivales annuelles minima janvier maxima Juillet
(en mm) (en degrés)
Jura
Lamoura 1134m
1987 500 5,1 -6,5 19 - 29
Aravis
La Clusaz 1140m
1704 468 6,6 -5,7 21 136 33
Sillon alpin
Mégève 1000m
1540 407 5,8 -7,9 20,8 147 36
Massifs cristallins externes
Les Contamines 1170m
Chamonix 1040m
Vallorcine 1264m


1200
1261
1396


446
382
401


6,8
6,5
5,6


-6,6
-8,1
-7,9


21
22,2
20,9


154
160
175


-
40
51
Massifs internes
Courmayeur 1220m
St-Nicolas 1156m
Rhèmes St-Georges 1200m

975
644
684

199
144
-

7,5
-
-

-6,6
-8,1
-7,9

-
-
-

144
-
-

51
61
60



Phenome de foehn Phenome de foehn
Figure 10

 

En Haute Savoie, un phénomène d’abri mais sans föhn marqué apparaît dans le bassin lémaniques abrité par le Haut- Jura, la cuvette de Sallanches protégée par les Aravis, la vallée de Chamonix encaissée entre Aiguilles-Rouges et Mt.-Blanc.

Dans les vallées internes, le föhn souffle, fréquemment, au printemps, lorsque de hautes pressions sur le Piémont, associées à de basses pressions au Nord des Alpes, déclenchent des flux qui escaladent le versant piémontais, se refroidissent (abondantes précipitations) puis « tombent » dans ces vallées (Valais, Maurienne) sous forme d’un vent chaud qui accélère la fonte de la neige et le démarrage de la végétation.

 

 

 

 

Expressions climatiques synthétiques

Elles associent deux facteurs du milieu ce qui est plus conforme à la réalité biologique.

Indice d’aridité de De-Martonne

Il réunit températures et précipitations

I= P / T+10°
P : moyenne des préciptations en mm
T : moyenne des températures

Une forte aridité (faibles précipitations + températures élevées) correspond à de faibles valeurs de I. Elle caractérise des vallées internes. Fig 11.
 Indice de De MartonneIndice de De Martonne
Figure 11

Indice de continentalité hydrique de Gams

Il regroupe précipitations et altitudes. On le caractérise par un «angle de continentalité » ( a) tel que :

Tangente a= P/A
P : moyenne des préciptations en mm
A : altitude en m

Indice de Gams Indice de Gams
Figure 12

Un indice de continentalité élévé correspond à l’aire du mélèze et du pin cembro.

La neige

Lorsque l’altitude croît, les températures diminuent, les précipitations augmentent et se transforment toutes en neige, au-dessus de 3500m.

Rôles biologiques du manteau neigeux

Protection thermique

Sous 40 cm. de neige, le sol ne gèle pas. De petits arbustes sensibles aux grands froids (rhododendron) se localisent sur des ubacs où un manteau neigeux épais et durable recouvre et protège les rameaux.

Réserves hydriques

La fonte tardive de la neige, en altitude et sur les ubacs, irrigue les sols et remplit les barrages hydrauliques.

Dangers d’avalanches

De spectaculaires couloirs d’avalanches zèbrent les flancs raides des auges glaciaires et détruisent la forêt. Photo 17.

Reptation de la neige

Le glissement lent du manteau neigeux, sur une pente, n’a pas les conséquences catastrophiques d’une avalanche. Cependant les pressions exercées sur les troncs d’arbres les courbent en crosse. Photo 18.

Surcharge des arbres

La neige « mouillée » colle aux branches des résineux. Les arbres surchargés, sont déstabilisés et brisés par le vent. (chablis). L’épicéa, avec son enracinement superficiel, y est très sensible. Photo 19

Retard du départ printanier de la végétation

Dans des sites déneigés tardivement, s’installent des espèces « chionophiles » : crocus. Photo 20.

 Couloir d'avalancheCouloir d'avalanche
Photo 17
Tronc courbeTronc courbe
Photo 18

Arbre surchargé Arbre surchargé
Photo 19
Espèces chionophilesEspèces chionophiles
Photo 20

Le Vent

Son intensité et sa fréquence croissent, avec l’altitude, surtout sur les crêtes.

Effets négatifs sur la végétation forestière

Le vent traumatise les arbres.

-En été, l’agitation des branches ralentit la photosynthèse.

-En hiver, le vent projette des cristaux de glace qui blessent les rameaux dépassant la couche de neige.

- Des tornades abattent des forêts. Photo 21.

-Les vents persistants déforment les ramures : arbres en drapeau. Photo 22.

Modifications du profil du manteau neigeux

La neige, charriée par le vent, s’accumule contre des obstacles : congères et sur des crêtes où s’édifient des corniches instables à l’origine d’avalanches. Photo 23.

Forêt abattue par tornade Forêt abattue par tornade
Photo 21
Epicéa en drapeau Epicéa en drapeau
Photo 22
 Congère contre EpicéaCongère contre Epicéa
Photo 23

Contrastes de végétation

Sur les crêtes ventées, sans protection neigeuse hivernale, le sol gèle et porte végétation de type toundra (azalée naine, lichens). A l’opposé, dans les zones longtemps enneigées, s’intallent vacciniaies, rhododraies et combes à neige.

 

Facteurs édaphique : les sols

Les végétaux y enfoncent leurs racines qui ont un double rôle : fixation de la plante et absorption de l’eau et des sels minéraux nutritifs.

La double origine des sols

Les roches mères

Leur désagrégation et leur altération par les successions gels dégels et par l’infiltration des eaux chargées de C02 engendre des particules minérales : cailloux ( >10mm.), graviers, sables, limons et argiles (< 0 ,002mm).

Les litières : feuilles mortes, accumulées en surface.

Décomposées par la faune et la flore du sol (Vers de terre, myriapodes, bactéries, champigons), elles se transforment, au bout de plusieurs mois, en humus, mélange complexe de substances organiques. Ces dernières sont, ensuite, lentement dégradées en molécules solubles nitrates phosphates...) aliments minéraux absorbés par les racines.

Le profil édaphique

Une coupe verticale, dans un sol, montre une superposition d’« horizons ». Exemple, sous une hêtraie. Fig. 13, Photo 23b.
Sol sous hêtraieSol sous hêtraie
Photo 23b



Profil sol de hêtraie Profil sol de hêtraie
Figure 13

 

 

 

 

A° : litières peu décomposées.
A1 : horizon humifère.
B : horizons minéraux .
C : roche mère souvent fragmentée

Le profil varie suivant les humus, la roche mère, les caractéristiques des divers horizons. L’horizon humifère est important, beaucoup de végétaux sontassociés à un type d’humus.

 

 

 

 

 

Les humus

Facteurs déterminants pour leur formation.

-Les litières. Les débris végétaux riches en cellulose (feuilles de charme) se décomposent plus facilement que les aiguilles lignifiées des résineux.

-La faune et la microflore du sol. Ce sont des « décomposeurs », leur biomasse est importante (20% du poids des horizons organiques).

-Le microclimat. Des facteurs extrèmes (froid, sécheresse, hydromorphie) ralentissent l’humification et les litères s’accumulent, en surface, en un épais horizon A°.

-La roche mère. Elle fournit divers cations (Ca++) favorisant l’humification. Les supports siliceux portent, souvent, des humus acides.

Classification sommaire

- Humus à évolution rapide (mulls)

Ils se forment à partir de litières peu lignifiées (sous des forêts de feuillus), dans des sols peu acides, frais et aérés. Les horizons organiques sont minces (quelques cm) et leur minéralisation rapide fournit des sels minéraux facilement absorbables (nitrates).

- Humus à évolution lente (mors=humus bruts)

Ils proviennent de litières coriaces (forêts de résineux), sur des supports décarbonatés, dans une ambiance climatique froide. Les horizons A° et A1 atteignent plusieurs dm, ont un pH < 5. Leur minéralisation très lente donne des molécules difficilement absorbées par les racines.

- Humus hydromorphes. (tourbes)

Les sols gorgés d’eau, asphyxiques, ont une faible activité biologique et les litières se décomposent mal.

- Types intermédiaires

Ex. les « moders » entre « mulls » et « mors », sous des forêts mixtes résineux feuillus.